HÉLÈNE DALLAIRE
Quelques minutes pour se souvenir
Membre de l'Ordre du Bleuet
Texte de Christiane Laforge
lu à la présentation d'Hélène Dallaire
au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 6 juin 2015
Il était une fois… une agente de communications si convaincante qu’elle a succombé à ses propres arguments. Détentrice d’un baccalauréat en communications, marketing et cinéma de l’Université Laval et d’un certificat en relations publiques, elle croyait faire carrière dans une entreprise commerciale. En quête de son port d’attache, elle multipliait les stages éphémères. Un jour, le hasard vint à sa rencontre, sous la forme d’un emploi étudiant de six mois comme responsable des communications pour une troupe de théâtre. La Normandinoise, passionnée de musique, de lecture et design, succomba au charme des marionnettes. Les Amis de Chiffon, conquis par ses compétences, proposèrent une alliance. Un mariage réussi pour le bonheur de milliers d’enfants.
Certes, la conviction profonde de l’importance du théâtre pour enfants en région a toujours suscité un enthousiasme communicatif dans les propos d’Hélène Dallaire, mère de deux filles, Sarah et Sophie, bon public et ses meilleures conseillères. Douée pour les communications autant que l’administration, son engament envers le TAC ressemble à un conte enchanté. La qualité des productions, le succès hors frontières de la troupe, la force vive de la compagnie confère à cette histoire non une fin mais une continuité heureuse. Cependant, il faut bien reconnaître que les 40 ans d’existence des Amis de Chiffons auront été un combat acharné pour subsister.
En 1995, après dix ans aux relations publiques, Hélène Dallaire prend la direction générale de la compagnie avec Jeannot Tremblay à la direction artistique. Un tandem d’une force étonnante qui a navigué avec succès dans un univers menacé sans cesse par une concurrence féroce, des règles défavorables aux subventions pour les régions éloignées de la métropole et de la capitale, trop souvent à la merci des conjonctures économiques de leur clientèle principale que sont les écoles.
Mais revenons à l’origine.
Il était une fois… Alma, 1974. Création artistique et amour des enfants conjugués ont incité Pauline Tremblay, Johanne Maltais, Denise Harvey et Jacinthe Chabot à fonder une compagnie de théâtre de marionnettes. Inspiré par les compagnies professionnelles du Québec, mais surtout de France — les Joly, Dougnac, et Alain Recoing — le quatuor concocte Le magicien des couleurs, qui sera l’objet d’une première tournée provinciale deux ans plus tard. Migrant à Chicoutimi en 1979, sous la direction de Pauline Tremblay, la compagnie a multiplié les coups d’éclat, inaugurant, 10 ans plus tard à Rivière-du-Moulin, le premier théâtre de marionnettes au Saguenay–Lac-Saint-Jean : à la fois atelier et salle de spectacle de 60 places qu’elle quittera, en l’an 2000, pour s’installer au Centre des arts et de la culture.
Depuis 1996, véritable laboratoire, lieu de diffusion et de formation, le TAC, ne cesse de se développer et d’explorer des idées nouvelles en création. La règle d’art consiste à favoriser les auteurs d’ici. Une confiance qui se révèle fructueuse alors qu’il s’allie des auteurs saguenéens réputés, plusieurs fois récipiendaires du Prix du Gouverneur général, notamment Jean-Roch Gaudreault et Daniel Danis. Le premier avec sa désormais célèbre pièce Une histoire dont le héros est un chameau et dont le sujet est la vie, le second avec Rosépine, pièces jouées à Place des arts de Montréal.
2006 marque un tournant majeur dans la reconnaissance des Amis de Chiffons. Rien n’est oublié : ni les marathons épuisants de collecte de fonds, ni les démarches récurrentes et fastidieuses auprès des instances politiques, ni l'énergie détournée de la production par les impératifs des sempiternels dossiers conditionnels aux subventions, ni les contraintes d’une vie nomade qu’imposent inévitablement les nombreuses tournées à l’extérieur de la région. Mais le feu qui anime la directrice depuis 30 ans trouve écho dans les critiques dithyrambiques de la presse montréalaise et fait flamber la part du rêve, tandis que le TAC fait salle comble pendant un mois à la Maison théâtre de Montréal avec la pièce de Jean-Rock Gaudreault. « Le succès est le résultat de toutes les années investies pour mener les Amis de Chiffon là où ils sont. C'est la fidélisation de notre clientèle, la qualité des productions, la continuité dans nos exigences. Ceux qui nous achetaient nos productions continuent, ceux qui y pensaient depuis longtemps se décident à faire le pas et il s'en ajoute des nouveaux », commentait alors Hélène Dallaire.
Aujourd’hui, le TAC compte 29 productions. Tout en veillant à assurer une présence active dans sa région par des représentations et des ateliers pour les jeunes, la compagnie est régulièrement en tournée. Elle est allée en Yougoslavie, à Angoulême, en Charente et fréquente les salles québécoises, sollicitée par les écoles d’ailleurs plus que par les nôtres, mais aussi invitée à se produire dans les grandes villes du Québec et de l’Ontario. Plusieurs activités commémoratives ont souligné les grandes étapes de ce théâtre. La plus récente, à la Pulperie de Chicoutimi, évoquait le 40e anniversaire des Amis de Chiffon et de ses dizaines de marionnettes les plus connues.
« Les Amis de Chiffon, c'est une histoire de cœur avec les enfants, la région et les marionnettes ». Hélène Dallaire, résume ainsi ses trente années vécues dans le monde magique du théâtre. C’est aussi l’histoire d’une femme de cœur, active au sein d’organismes tels Les Grands frères et Grandes sœurs, les Clubs des petits-déjeuners, les comités de quartier et de parents. Elle n’a jamais voulu troquer sa conviction de l’importance d’un théâtre de marionnettes ouvert aux enfants contre toute offre d’emplois pourtant plus alléchante. Et sans doute pour cela, avec sept autres membres de cinq compagnies de théâtre, elle s’est investie dans la relance du Festival international des arts de la marionnette à Saguenay qui renaîtra en juillet prochain à Jonquière.
Le 6 juin 2015
Hélène Dallaire
Pour sa contribution exceptionnelle au théâtre de marionnettes
et au rayonnement des Amis de Chiffon
fut reçue membre de l’Ordre du Bleuet
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POURQUOI L'ORDRE DU BLEUET
L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.